mercredi 4 novembre 2009

La langue de l'autre

Don’t worry, je vais pas essayer de vous donner un cours de « french kiss », anyway, depuis quelques temps je ne pratique pu… chuis probablement pas le meilleur. Non, parlons (comme vous l’aurez compris dès le départ) de langue, de langage, de communication.

Ce matin, on me demandait dans un commentaire si la journée de la Melbourne Cup avait été l’occasion de sortir un nouveau scandale en douce pendant que le peuple festoyait… J’ai répondu que non, en ayant pris la peine de vérifier. Quand même. Tout cela pour dire qu’en fouillant à travers les pages du journal The Australian à la recherche d’un quelconque scandale croustillant, je suis tombé sur un article à propos de l’ouverture d’un nouveau programme d’immersion en langue seconde subventionné par l’état (en New-South Wales, en banlieue de Sydney je crois…) Les élèves y suivront des cours de langue seconde dès le début du primaire à raison de 90 minutes par jour. Les spécialistes indiquent que c’est plus facile de devenir bilingue quand on est jeune. Et comment! Et le détail qui change tout, les langues au choix dans ce programme : japonais, indonésien et le plus populaire, chinois.

Dès la rentrée prochaine (présentement on est à la fin de l’année scolaire…), des p’tits moutes de 6 ans, ne sachant pas encore additionner en haut de 10 et ne sachant pas écrire leur propre langue vont prendre des cours de chinois. Ils le font bien au Québec avec les nouveaux cours d’anglais. Mais du chinois. Z’avez déjà essayé vous d’apprendre le chinois? Moi j’ai abandonné avant même d’essayer. Une langue toute en intonations, en subtilités et en détails. Y’a genre 12 façon de prononcer ce qu’on dirait comme « heu » (ou whatever!), avec 12 sens différents… Une langue complexe comme j’en connais peu. Quand on dit que c’est du chinois, ça dit tout.

Mais cette réalité qui me donne un peu le vertige est tout de même très conséquente avec la réalité australienne : des asiatiques, on en voit partout. Ils prennent de plus en plus de place dans le monde, et les australiens sont sur le morceau de terre « occidentale » (vive le deuxième sens des mots!) le plus près de l’Asie, ils sont aux premières loges pour comprendre ce futur. L’Asie pousse, l’Asie grandit. Dans ce que je connais au jour le jour, en recherche universitaire, ils sont une forte majorité de chinois, plus assidus, mieux « drillés », peut-être plus masos à bosser comme des fous… Les occidentaux avons ce défaut : on compte nos heures, et quand on a fini, on fait autre chose… En recherche, où il faut une bonne dose d’autocontrôle, les asiatiques sont imbattables, du moins au niveau de la motivation. On pourra parler de la qualité du travail une autre fois.

Autre exemple plus global; j’ai lu ce matin un billet intitulé Les temps changent de Michel Cormier, correspondant de Radio-Canada à Pékin. La société d’état pétrolière chinoise vient d’acheter 60% des parts de deux des plus gros gisements de sables bitumineux de l’ouest canadien. Et ils ont fait de même un peu partout sur la planète au cours des derniers mois… Il y a quelques années, je m’étais dit que je devrais apprendre le chinois, que ça pourrait être utile… J’aurais du passer de la parole aux actes…

J’ai étudié l’internet chinois l’année dernière dans un travail à l’uni. Savez-vous que la Chine est le pays qui compte le plus d’internautes? Ils étaient 300 millions il y a 9 mois, ils doivent frôler les 400 millions aujourd’hui avec la croissance qu’on observe. Le chinois est donc en voie de supplanter d’anglais comme première langue du web. Si ce n’est déjà fait… Vous ne vous en rendez certainement pas compte, mais le web est un monde multilingue… allez sur Google China pour avoir un aperçu vite fait… Le géant qui grandit… démographie oblige, il va tout bouffer! (on ne va pas tous mourir… ou du moins pas plus vite à cause de ça. Il faut juste s’attendre à certains changements…)

Parce que c’est bien là où nous allons, dans un monde où l’anglais, celui que je me pète la tête à essayer de perfectionner, perdra de son importance au profit de la langue de ces économies surpuissantes. L’anglais reste quand même essentiel, particulièrement en Amérique du Nord… Mais faudrait commencer à faire comme les suisses… Plusieurs d’entre eux maîtrisent plus de deux langues (avec quatre langues officielles, c’est un bon début!)

La langue de l’autre, de mon point de vue, c’est souvent le chinois… Et quelle barrière. À l’heure du lunch, si vous allez un peu avant midi à la salle à manger du labo, c’est welcome to China en moins de deux. Ils peuvent tous parler anglais plus ou moins à peu près pas trop mal. Mais à 6 autour de la table avec un blanc bec, moi, j’ai mieux fait d’essayer de lire mon journal que de m’incruster dans la conversation chinoise! Et pis je les comprends de ne pas se faire chier avec l’anglais entre eux, faut pas lire ici que j’aime pas. J’ai juste à aller manger à 12h30, avec les européens…

Mais moi, petit québécois, francophone immergé par la langue nord-américaine, c’est l’anglais que je m’efforce de maîtriser. Et c’est tout à fait légitime. Pour combien de temps est-ce légitime? Là est la question! J’entendais en début de semaine en entrevue James Moore, ministre canadien de la culture et député de la région de Vancouver. Pour lui, chez lui, le chinois c’est tout près… À Toronto, les gens disent que ça envahit… (vous vous demandez d’où je tiens ça? De sources sures, d’un torontois depuis toujours, et un peu conservateur du haut de ses presque 75 ans... Oui oui, j’ai des plogues quand même!). À Montréal, on ne semble pas trop le sentir. Par contre, en Europe, j’ai senti une plus grande ouverture vers l’est, une curiosité face au géant qui pousse (pas de là à dire que l’Europe est tournée vers l’Asie, l’Europe reste surtout tournée sur elle-même et s’auto-suffit en matière de diversité!) Bref, de partout on sent que ça s’en vient, qu’il faut s’y préparer, que c’est le monde vers lequel nous allons.

Est-ce que c’est ça qu’on sent au Québec? Sais pas, pas sûr. Ca fait un bout que j’en suis parti, mais je lis tout de même assez de nouvelles de là-haut pour penser que non! Vous pourrez me donner votre avis là-dessus… (comme sur n’importe quoi que j’écris d’ailleurs! Ce billet est un opinion, vous l’aurez compris. J’ai pas la vérité absolue!) Au Québec on fait bien de protéger avant tout notre langue, c’est assez complexe comme ça, et c’est tellement essentiel à ce que nous sommes. On fait bien d’apprendre l’anglais aussi, on en est noyés (pis c’est une langue « officielle », en plus). Mais faudrait penser que les enfants de première année d’aujourd’hui, quand ils atteindront le marché du travail, ne seront pas dans la réalité que nous connaissons maintenant. C’est mon pronostic. Je me mouille.

S’avez, les américains et autres anglos ont la fâcheuse réputation de ne pas connaître d’autres langues que la leur. Pourquoi faire? Tout le monde peut les comprendre. Y ont ben raison! Et tant que les chinois considèreront que l’anglais est encore la langue du monde, ça joue, ils l’apprendront. Mais le jour où l’Empire du milieu sentira qu’il est autosuffisant, watch out! Aux oubliettes l’anglais. Mes enfants (y’en aura probablement un jour…) n’apprendront probablement pas le mandarin ou une autre langue du genre. Vont se contenter de l’anglais. Mais est-ce vraiment bien?

Ce point de vue, c’est avant tout celui d’un voyageur, exposé depuis longtemps à toute cette diversité. Combien de fois ais-je eu à sortir mon anglais à détour d’un coin de rue depuis un an et demi? Aucune idée… Tout le temps. Le jour où je devrai sortir mon chinois au coin de la rue (bon je vivrai peut-être pas assez vieux!), ce sera une autre histoire!

Parce qu’en fait, ces petits australiens qui feront des heures de chinois dès la rentrée prochaine, ils ne seront pas nécessairement de grands hommes d’affaires ou de futurs premiers ministres. Mais ils auront un sacré outil dans leur coffre!

P.S. Je me balade un peu sur le net ce jeudi matin pour tomber sur ce billet publié sur le site de La Presse... Encore des questions?

4 commentaires:

  1. wow...
    Je sais pas si ça fait peur ou si ça fascine...

    Mais le québécois-blanc-franco est tellement concentré à ne pas perdre son Français et à se débrouiller en Anglais, que je crois pas que c'est pour bientôt les cours de Chinois... On est un peu plus loin de tout ça, du moins on le pense...
    Tu salueras Michel si tu le croises dans le coin :P

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  2. De toute façon, les chinois trouvent ça très vexant qu'un étranger parle le chinois décemment.

    Mais c'est bien qu'on ai un concurrent sérieux avec qui faire la guerre le siècle prochain, ça nous permettra de pas être trop ramolli quand les aliens arriveront.

    Sinon, dire que l'Europe s'auto-suffit en matière de diversité, c'est un truc à aller en prison dans cette Europe de Bruxelles qui veut nous en rajouter.

    Mais en tout cas, je suis sacrément impressionné par combien tes posts sont plaisant à lire, malgré leur longueur.

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  3. « Ça bouillonne à l'Est » écrit Richard Dupaul dans l'article de La Presse que tu as mis en lien... Et tu es un témoin privilégié... À part Tony Wong, pas beaucoup de Chinois à Alma!!!! Sans blagues, merci de nous partager tes réflexions, c'est très intéressant!

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  4. C'est sûr que ça bouscule les acquis et les habitudes ,pour ne pas parler de privilèges que de se voir poussés vers des réalités nouvelles.Faut-il les craindre ou essayer de vivre avec et d'en profiter?
    A nous de choisir.Je peux toutefois comprendre que plusieurs seront déstabilisés et vivront des difficultés,surtout les plus vieux et les moins instruits.
    Je pense quand même qu'un outil de succès sera pour chacun d'entre nous notre ouverture sur le monde.

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